Les politiques du président des États-Unis, Donald Trump, bousculent le dollar américain et relancent le débat sur son rôle de devise dominante sur la planète. Pendant que certains prédisent son déclin, Paul Blustein, ex-journaliste au Wall Street Journal et au Washington Post, auteur du livre King Dollar (Yale University Press, 2025), croit au contraire que son règne n’est pas terminé. Et le Canada doit rester sur ses gardes, selon l’Américain, installé au Japon depuis 2010.
Comment le dollar est-il devenu la devise dominante et qu’est-ce que cela signifie ?
Tout a commencé par un accord international. En 1944, 44 nations réunies à Bretton Woods, au New Hampshire, se sont entendues pour faire du dollar américain la devise centrale du système monétaire international. Depuis, plusieurs ont annoncé la fin de ce statut, mais le dollar américain demeure la devise prédominante dans les échanges commerciaux, les réserves de devises des banques centrales ou les emprunts sur les marchés financiers.
Le fait qu’il existe une devise dominante permet aux différents pays de la planète de traiter plus facilement entre eux. Cette domination du dollar américain donne aussi aux États-Unis un important pouvoir de négociation : ils peuvent exclure des particuliers, des entreprises ou même des pays entiers du système financier international, qui s’appuie sur le dollar américain. Ça s’est déjà vu avec la Corée du Nord, l’Iran ou encore la Russie.
Des données montrent que la part du dollar américain dans les réserves de change des banques centrales — les monnaies étrangères conservées en cas de besoin — diminue. Trump ajoute à l’incertitude. Vous croyez tout de même que la devise américaine gardera sa première place ?
Les politiques de Donald Trump remettent effectivement en question le rôle de refuge des bons du Trésor américain [NDLR : habituellement considérés comme des placements sûrs en raison de la stabilité économique des États-Unis]. Mais le dollar américain est si profondément ancré dans le système économique mondial que le déloger serait à mon avis très difficile. Le fait que les banques centrales détiennent moins de dollars américains qu’auparavant n’est pas aussi déterminant que ce qui se passe sur les marchés privés.
Quelles devises pourraient remplacer le dollar américain ?
Il n’y a pas, pour le moment, d’autre option viable. L’euro commence à ressembler à un concurrent sérieux, mais il est désavantagé parce qu’il est lié à 20 pays souverains qui n’ont pas tous une bonne cote de crédit.
Dans le cas de la devise chinoise, le renminbi, il y a deux problèmes : le contrôle du mouvement de capitaux par Pékin et le système de justice qui est partial, ce qui rebute les investisseurs. Il est vrai que Donald Trump s’attaque au système de justice américain, mais je ne pense pas que les États-Unis sont actuellement dans la même situation que la Chine.
J’espère me tromper quand j’écris que la domination du dollar américain va durer, parce qu’elle donne aux États-Unis un grand pouvoir de coercition économique. Si les tarifs douaniers ne fonctionnaient pas, Washington pourrait par exemple bloquer l’accès au dollar américain aux grandes banques canadiennes. Les probabilités sont minces, mais le Canada doit se préparer à cette menace.