L’émergence des monnaies numériques est l’un des développements les plus importants du secteur financier dans les dernières décennies, et l’introduction d’un euro numérique est désormais envisagée par la Banque centrale européenne (BCE) dans le cadre de sa politique monétaire [1].
1. Qu’est-ce que l’euro numérique ?
L’euro numérique tel qu’envisagé par l’Eurosystème serait une version numérique de la monnaie officielle de la zone euro, dont l’émission serait contrôlée par la Banque centrale européenne.
Contrairement aux crypto-monnaies comme le Bitcoin, l’euro numérique serait une monnaie de banque centrale (CBDC) et serait directement lié à la politique monétaire de la zone euro.
Son objectif principal est de compléter l’utilisation des billets et pièces en euros, tout en offrant une alternative numérique sécurisée aux paiements électroniques.
L’euro numérique ne serait donc pas une crypto monnaie décentralisée, mais plutôt un actif numérique émis et contrôlé par une autorité centrale, ce qui le différencie des monnaies comme le Bitcoin ou l’Ethereum, qui elles, sont fondées sur la Blockchain, décentralisée.
2. Les conséquences juridiques de l’adoption d’un euro numérique.
2.1. Droit et souveraineté monétaire.
Souveraineté monétaire.
L’euro numérique serait sous le contrôle de la Banque centrale européenne (BCE) et non des banques commerciales.
Cela renforcerait le rôle de la BCE en tant que créateur et régulateur de la monnaie, mais pourrait également entraîner des tensions avec les institutions financières privées qui jouent actuellement un rôle majeur dans l’émission de crédits et de prêts.
Politique monétaire.
La BCE pourrait utiliser l’euro numérique pour mettre en œuvre des politiques telles que l’assouplissement quantitatif ou même la distribution directe d’argent aux citoyens dans des situations de crise économique, offrant ainsi de nouveaux outils pour gérer la masse monétaire.
Cependant, ces nouvelles possibilités devraient être équilibrées par des régulations strictes afin de garantir une gestion saine de la monnaie et éviter les risques d’inflation ou de surchauffe économique.
2.2. Droit financier et système bancaire.
Régulation des plateformes de paiement.
Les plateformes de paiement électroniques seraient soumises à une nouvelle réglementation spécifique sur les transactions en euro numérique.
Cela inclurait des exigences juridiques strictes en matière de sécurité des transactions, de lutte contre le blanchiment d’argent, et de protection des consommateurs, avec une traçabilité plus élaborée.
2.3. Sécurité des transactions et lutte contre la fraude.
Protection contre les cyberattaques.
Des mesures devraient être mises en place pour protéger les utilisateurs contre les cyberattaques et les fraudes financières, telles que le hacking ou les vols de données personnelles, financières et comptables.
Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Les transactions en euro numérique seraient probablement soumises à des mécanismes de surveillance renforcés, avec des exigences de connaissance client (KYC, Know Your Customer), déjà mise en place sur les plateformes d’échange d’actifs numériques.
2.4. Droit des contrats et responsabilité.
Contrats numériques.
Les contrats impliquant l’euro numérique seraient nécessaires pour être rédigés de manière numérique et conformes aux régulations européennes.
De nouvelles formes de contrats intelligents (smart contracts) pourraient se développer, facilitant les transactions automatisées et sécurisées.
Responsabilité des institutions financières.
Les institutions financières offrant des services relatifs à l’euro numérique (par exemple, les plateformes d’échange ou les prestataires de services de paiement) seraient responsables de la sécurisation des fonds et de la protection des utilisateurs.
Les juridictions européennes devraient adapter leurs lois pour définir les responsabilités en cas de pertes liées à des erreurs techniques ou à des violations de la sécurité, ou encore de contentieux liés à des smart contracts défectueux.
2.5. Protection des données personnelles.
Collecte et stockage des données.
L’euro numérique nécessiterait la collecte de données personnelles des utilisateurs afin de garantir l’authenticité des transactions et leur traçabilité.
La gestion de ces données devra respecter les principes du Règlement général sur la protection des données (RGPD), notamment en matière de minimisation des données, de consentement explicite et de droit à l’oubli numérique (Droit à la seconde chance financière).
3. Les défis juridiques et politiques.
Accord politique entre États membres.
L’introduction de l’euro numérique nécessiterait un accord politique entre les États membres de la zone euro.
La mise en place d’une telle monnaie numérique pourrait susciter des divergences sur des questions de souveraineté monétaire, de répartition des bénéfices économiques et de coordination des politiques, voir des questions diplomatiques.
Harmonisation des régulations européennes.
Les pays de la zone euro devraient harmoniser leurs régulations nationales pour assurer un cadre juridique uniforme pour les transactions en euro numérique et éviter la fragmentation du marché, d’où la nécessité de création d’un code numérique et financier européen.