À l’aube de l’Euro Féminin 2025, qui s’est ouvert en Suisse sous les projecteurs d’un engouement sans précédent, une nation se distingue autant par son renouveau que par sa trajectoire inversée entre ses deux sélections phares : l’Italie. Tandis que la Nazionale masculine a connu une série de désillusions – non-qualification aux Coupes du monde 2018 et 2022, élimination précoce à l’Euro 2024 – la Squadra Azzurra féminine, elle, gravit les échelons à toute vitesse. Sous la houlette d’Andrea Soncin, nommé sélectionneur en 2023 après un parcours remarqué avec les U23, l’Italie féminine s’est qualifiée pour cet Euro en affichant une solidité et une ambition nouvelles. Dans sa liste dévoilée début juillet, on retrouve une ossature mêlant expérience et jeunesse : Cristiana Girelli (Juventus), toujours décisive à 34 ans, la capitaine Elisa Bartoli (Roma), la prometteuse Chiara Beccari (Sassuolo) ou encore la défenseure Elena Linari (Atlético Madrid), l’une des rares expatriées dans une sélection désormais dominée par les clubs locaux professionnels.

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Ce paradoxe italien – une équipe féminine en plein essor dans un pays où le football reste profondément masculinisé – constitue le cœur d’un phénomène plus large. Là où les hommes ne parviennent plus à convaincre ni fédérer, les femmes ont su créer un nouveau récit, conquérant, moderne, soutenu par des clubs investis, des sponsors actifs et un public de plus en plus fidèle. Loin d’être un simple phénomène de vitrine, ce succès repose sur des bases solides : une ligue désormais professionnelle, des infrastructures modernisées, un vivier de jeunes talents en pleine éclosion. L’Italie du football féminin n’est plus à construire : elle est déjà bien là, et elle incarne aujourd’hui un contre-modèle positif dans un paysage européen en mutation. À l’Euro 2025, elle n’arrive pas en outsider résigné, mais en candidate crédible à une place parmi les grandes.

Une professionnalisation accélérée et financée

Depuis le 1ᵉʳ juillet 2022, la Serie A Femminile est devenue le premier championnat féminin entièrement professionnel d’Italie : chaque joueuse de 24 ans et plus bénéficie désormais d’un salaire annuel minimum de 26 664 € brut, d’une couverture retraite, maternité et accident identique à celle de la Serie C masculine. Ce saut de statut a fait grimper de 60 % la masse salariale des clubs, mais il a été amorti par une hausse parallèle des recettes : +94 % de redistributions fédérales et gouvernementales et +48 % de revenus moyens par club entre 2021‑22 et 2023‑24, lesquels atteignent aujourd’hui 1,1 M€ en moyenne, pour des budgets proches de 4,4 M€. La FIGC, de son côté, a injecté 7,6 M€ dans le fonds pour le sport féminin et vise les 50 000 licenciées d’ici fin 2025.

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«Il n’est pas juste de comparer le football masculin et le football féminin, nous devrions parler uniquement de football. En tant qu’entraîneur, il faut tenir compte des caractéristiques spécifiques qu’il faut développer et entraîner. Nous pouvons faire comprendre aux familles que les filles et les jeunes femmes doivent être soutenues dans leur passion, quel que soit leur sexe», a analysé le sélectionneur Andrea Soncin. Sur ce nouveau socle économique, les grandes écuries ont changé de braquet. La Juventus Women a récupéré le Scudetto 2024‑25 – son sixième, après le cycle de cinq titres consécutifs 2018‑22 – grâce à la paire Girelli‑Canzi et un effectif désormais à 100 % professionnel. L’AS Roma, sacrée en 2023 et 2024, illustre l’autre visage de la croissance : plus de 5 M€ investis sur le seul secteur féminin, un sponsor‑maillot dédié (IBSA) et un staff scientifique équivalent à celui des hommes. C’est aussi la Roma qui a fait tomber le record d’affluence national : 39 454 spectateurs à l’Olimpico contre le FC Barcelone le 21 mars 2023, un quart de finale de Women’s Champions League retransmis dans 190 pays.

Un engouement populaire et médiatique inédit

Entre la saison 2019‑20 et 2023‑24, le nombre d’Italiens se déclarant « passionnés » par le football féminin est passé de 1 à 7 millions – soit 40 % de la population qui suit désormais le mouvement. Les audiences télé ont suivi : près de 320 000 téléspectateurs moyens pour les matches diffusés en clair, plus du double par rapport à 2022, et des droits internationaux vendus pour la première fois. Dans les stades, la fréquentation du championnat a doublé en deux ans, tandis que la communauté numérique institutionnelle dépasse 200 000 abonnés, 24 millions de vues vidéo et 150 millions d’impressions par saison. Cette visibilité alimente le modèle d’affaires : les sponsors génèrent désormais 65 % des revenus directs et les recettes totales de la division Serie A Femminile ont crû de +48 % sur les deux derniers exercices. La solidité de la base a suivi la même courbe. Les licenciées sont passées de 18 854 en 2008 à 45 785 fin 2024 (soit +126 %), et la FIGC vient de hisser l’Italie au 6ème rang mondial pour la croissance du nombre de joueuses. «Lorsque cette opportunité s’est présentée, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai découvert un monde magnifique, fait de relations authentiques et de liens purs, plein de détermination et d’une incroyable volonté de la part de filles incroyables. C’est un domaine que je ne connaissais pas, et aujourd’hui, en l’état actuel des choses, je ne le quitterais pour rien au monde. Je suis profondément reconnaissant aux filles qui nous ont accompagnés dans cette aventure. Maintenant, je veux que nous réalisions notre potentiel», a expliqué le sélectionneur Andrea Soncin.

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Le programme U‑15, honoré d’un Grassroots Award UEFA, a fait progresser de 250 % le vivier scouté, alimentant massivement les sélections. Résultat : en 2025, les Azzurrine U‑17 et U‑19 se sont qualifiées ensemble pour la phase finale européenne – une performance vue une seule fois auparavant (2018) – et l’U‑19 s’est hissée dans le dernier carré continental pour la première fois depuis quatorze ans. Chez les A, la progression se mesure aussi au classement FIFA : l’Italie a gagné trois rangs pour pointer à la 14ème place fin 2023, après avoir accroché l’Espagne championne du monde en Ligue des Nations. Autant d’indicateurs qui confirment qu’au cours de cet Euro 2025 en Suisse, le football féminin italien n’a jamais été aussi armé – sur le terrain comme en dehors. À l’heure où le ballon roule en Suisse, une certitude s’impose : le football féminin italien n’est plus une promesse, mais une réalité affirmée. Et si l’Euro 2025 n’est qu’une étape, il pourrait bien marquer le début d’une ère où les Azzurre deviendront les véritables ambassadrices du football italien sur la scène internationale.

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