Le montant des plus-values oscille entre 50 % à 10 fois le prix d’achat. Voilà ce que constate le rapport de la Cour des comptes rendu public le 10 janvier 2025. Dans cette longue étude consacrée à EpaFrance, l’aménageur public qui permet à Euro Disney de réaliser l’aménagement urbain autour du parc d’attractions, le gendarme des comptes publics s’étonne. Non seulement de ces bénéfices énormes, mais aussi du manque de transparence qui entoure ces transactions.

Un terrain vendu 10 fois le prix d’achat

« L’exemple le plus manifeste » de ces plus-values mirifiques, souligne la Cour, est fourni par la vente du terrain sur lequel s’est installée la société de conseil Deloitte, à Bailly-Romainvilliers. Cette parcelle de 14,7 hectares a été cédée à Euro Disney en 2019 pour 1,63 million d’euros. Elle a été « revendue le jour même par cette société 17,2 millions, soit un prix multiplié par plus de 10 », notent les magistrats du palais Cambon.

Un partenariat public-privé unique

Pourquoi les prix de cession des terrains sont-ils si inférieurs aux prix du marché ? Pour bien comprendre, il faut remonter à la création de Disneyland Paris. À l’époque, le territoire n’était composé que de villages, rassemblant 5 000 habitants en 1990, contre 52 768 aujourd’hui.

Afin de rassurer la compagnie américaine vis-à-vis des incertitudes qui pouvaient peser sur le projet à son origine, le gouvernement a donc proposé un partenariat public-privé unique en France, lui garantissant la maîtrise du foncier sur un secteur de 2 118 hectares et la possibilité de l’acquérir à prix réduit. Une stratégie foncière déjà expérimentée par la firme au parc d’Orlando en Floride. Cet accord a été matérialisé dans une convention signée en 1987.

Des valeurs déconnectées des prix du marché

Dans cette convention, les modalités de fixation des prix des terrains sont précisément définies. Le tarif équivaut au coût d’acquisition historique des terrains, fixé uniformément à 1,69 € par m2, auquel est ajouté le coût des travaux d’infrastructure avec une marge de 25 % pour les frais généraux de l’aménageur, à savoir EpaFrance et un montant maximum de 8 % du total au cas où les dépenses interviendraient avant les recettes. Rien qui ne soit relié au coût du marché donc.

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186 € par m2 à bâtir

Concrètement, d’après les observations de la Cour des comptes, entre 2018 et 2023, EpaFrance a cédé 1,3 million de m2 de terrain pour un total de 119 millions d’euros. Soit « un prix moyen de 186 € par m2 à bâtir ». Par comparaison, à Val d’Europe mais hors du secteur d’aménagement de Disney, EpaFrance a commercialisé d’autres terrains. Prix moyen ? 418 € par m2 à construire. Pour les terrains destinés au logement, le prix est 2,4 fois inférieur au prix du marché.

Des plus-values importantes

Lorsqu’Euro Disney revend ensuite les terrains, à des opérateurs ou des promoteurs, l’entreprise réalise donc d’importants bénéfices. Précisément, « de + 33 % jusqu’à dix fois le prix d’acquisition avec une moyenne, pour les transactions observées, d’une revente à trois fois le prix d’acquisition », peut-on lire dans le rapport. D’après les estimations de la Cour des comptes, sur la période, Euro Disney aurait ainsi engrangé entre 100 et 200 millions de plus-values.

La compensation d’Euro Disney

Si ce cadeau foncier et financier semble important, il n’a rien d’illégal. Deux recours, en 1992 et en 2013, ont été rejetés par le conseil d’État, rappelle le rapport.

Par ailleurs, la chambre nuance le constat en rappelant que ces chiffres doivent être appréciés au regard des investissements réalisés par l’entreprise et des contributions qu’elle apporte au financement des équipements publics.

6 000 € par logement

En effet, en contrepartie de l’urbanisation qu’Euro Disney dicte sur le secteur, la compagnie américaine devait verser 2 100 € par logement afin d’aider les collectivités à financer les aménagements publics nécessaires (crèches, écoles, etc.). Depuis l’avenant n° 9 signé le 6 octobre 2020, ce montant a été rehaussé à 6 000 €. Euro Disney prend par ailleurs désormais en charge la création de bassins d’assainissement.

Mais dans le même temps, le prix de cession des terrains a encore été limité, en excluant certaines dépenses de l’assiette de calcul, observe le rapport.

À combien de bénéfices l’État a-t-il renoncé ?

Et bien que Disney investisse des milliards d’euros sur le secteur, il n’en reste pas moins, selon la Cour des comptes que « si elle apparaît conforme aux termes de la convention, cette procédure constitue un avantage accordé, sur des biens publics, à une entreprise privée, dans des conditions peu transparentes ». Les magistrats souhaitent notamment que l’EPA soit en mesure d’évaluer le montant des recettes auxquelles il a renoncé et d’en rendre compte.

Les magistrats résument :

Il convient aujourd’hui de s’interroger sur la justification économique du maintien […] des avantages accordés à la société Euro Disney […] en termes d’allocation de la plus-value foncière qu’elle génère.

La Cour des comptes

« Il apparaît en effet que le développement se poursuit dans un contexte stabilisé et que les risques pris par Disney lors de son installation initiale sont aujourd’hui limités », conclut le rapport.

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