La Chine poursuit résolument sa stratégie de désengagement du dollar américain. Selon les dernières données publiées par le département du Trésor des États-Unis, Pékin a réduit ses avoirs en bons du Trésor américain à 757,4 milliards de dollars en avril 2025, contre 765,6 milliards le mois précédent, soit une baisse mensuelle de 8,2 milliards de dollars. Ce niveau est l’un des plus bas enregistrés depuis 2009.
Cette réduction s’inscrit dans une tendance structurelle : en 2011, la Chine détenait plus de 1 300 milliards de dollars en obligations américaines. En l’espace de 14 ans, elle a donc réduit sa position de près de 42 %, illustrant un tournant stratégique majeur.
Une diversification active vers l’or
Dans le même temps, la banque centrale chinoise (PBOC) renforce ses réserves d’or. En mai 2025, la PBOC a acquis 60 000 onces supplémentaires, portant le total à 73,83 millions d’onces (soit environ 2 296 tonnes). Il s’agit du 19e mois consécutif d’achats nets d’or, une série inédite dans l’histoire financière moderne chinoise.
L’or représente désormais plus de 4,9 % des réserves officielles de change de la Chine, un chiffre encore modeste comparé à des pays comme les États-Unis (78 %) ou l’Allemagne (77 %), mais en forte progression. Ces mouvements confirment la volonté de Pékin de réduire sa dépendance au dollar comme monnaie de réserve et d’échange international.
Un changement dicté par la géopolitique
La dédollarisation de la Chine intervient dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis : restrictions technologiques, droits de douane accrus, et rivalités stratégiques en mer de Chine méridionale.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et les sanctions financières contre la Russie, Pékin redoute de devenir la prochaine cible d’un embargo financier occidental.
Par ailleurs, l’extraterritorialité du dollar, qui permet à Washington de geler unilatéralement des avoirs étrangers, inquiète de nombreux pays émergents.
En réduisant ses positions en Treasuries, la Chine cherche donc à sécuriser ses avoirs et à renforcer son autonomie financière.
Un impact limité mais symbolique sur les marchés
Même si la Chine reste l’un des plus importants créanciers des États-Unis (derrière le Japon), la vente progressive de ses Treasuries n’a pas, pour l’instant, provoqué de déséquilibre majeur sur les marchés obligataires. Toutefois, cette tendance accroît la volatilité sur les taux longs américains, déjà sous pression en raison des politiques budgétaires expansionnistes à Washington.
Le déplacement des flux chinois vers l’or, perçu comme une valeur refuge, soutient parallèlement la hausse du métal jaune, dont le prix avoisine actuellement les 2 350 dollars l’once, proche de ses records historiques.
Analyse stratégique : vers un nouvel ordre monétaire mondial ?
La politique de dédollarisation chinoise ne concerne pas uniquement les actifs financiers. Elle s’accompagne de nombreuses initiatives visant à internationaliser le yuan, notamment via :
-
Le lancement du e-CNY, monnaie numérique d’État,
-
Le contournement du dollar dans les échanges énergétiques (notamment avec la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite),
-
Et la création d’alternatives au système SWIFT via CIPS.
À court terme, cette stratégie renforce les réserves de valeur de la Chine. À moyen terme, elle prépare le terrain à une nouvelle architecture financière multipolaire, dans laquelle le dollar ne serait plus seul maître du jeu. Pour les pays émergents, y compris la Tunisie, cette mutation constitue une opportunité de diversification des partenaires commerciaux et des devises de transaction.
Cependant, cela implique aussi des ajustements profonds des politiques économiques : réduction de la dépendance aux marchés traditionnels (États-Unis, UE), anticipation des risques de change, et renforcement des réserves en actifs refuges comme l’or ou les DTS (droits de tirage spéciaux).
Ainsi, la Chine trace méthodiquement son chemin vers une souveraineté monétaire élargie. En réduisant ses avoirs en dollars et en renforçant ses réserves en or, elle défie la suprématie du billet vert.
Ce réalignement, discret mais stratégique, pourrait remodeler les équilibres financiers mondiaux au cours de la prochaine décennie.
Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!
