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« Serait-il avantageux pour le Canada de signer un accord monétaire avec les Américains pour utiliser leur monnaie au lieu d’avoir une monnaie canadienne instable et faible ? » – Robert Dupré

L’adoption du dollar américain, pour le Canada, comporterait certes des avantages, mais le pays cesserait d’être financièrement autonome, parce qu’adopter la devise américaine signifie aussi adopter sa politique monétaire, décidée par la Réserve fédérale (Fed) et non plus par la Banque du Canada, expliquent deux experts.

Préserver une politique monétaire indépendante des États-Unis est essentiel pour assurer la souveraineté économique du Canada, selon Stéfane Marion, économiste et stratège en chef de la Financière Banque Nationale.

Un avis partagé par Miguel Ouellette, directeur et économiste en services-conseils au sein du cabinet comptable Mallette : « Perdre l’autonomie monétaire sur notre pays renforcerait notre dépendance économique envers les États-Unis », vulgarise-t-il. Dans le contexte actuel, il serait donc plutôt improbable que le Canada adopte le dollar américain, étant donné la guerre commerciale que se livrent les deux pays.

Une telle entente serait-elle tout de même envisageable ?

La question revient au premier plan de temps à autre, remarque M. Ouellette. Le plus souvent lorsque le dollar canadien connaît une importante dévaluation, comme à l’heure actuelle, ou quand sa valeur se rapproche de celle du dollar américain.

C’était le cas en 2007, lorsque le dollar canadien a atteint son plus haut niveau en 30 ans face au dollar américain, porté par la flambée record des prix du pétrole. « L’idée d’abandonner le huard au profit d’une monnaie nord-américaine unique ou du billet vert américain a refait surface avec l’atteinte de la parité », a-t-on écrit dans La Presse, en décembre 2007. Plus ça change, plus c’est pareil.

Désavantages

C’est dit : le plus grand désavantage de la dollarisation serait la perte de souveraineté sur la politique monétaire canadienne. Le Canada serait ainsi contraint d’adopter celle des États-Unis, explique Stéfane Marion.

Par conséquent, le Canada ne pourrait ajuster lui-même ses taux d’intérêt, puisque ce serait la Fed qui contrôlerait l’offre monétaire et produirait le billet vert.

À l’heure actuelle, les taux d’intérêt aux États-Unis dépassent ceux du Canada de 175 points de base. Dans ce contexte, les ménages canadiens, déjà lourdement endettés, risqueraient de devoir composer avec des taux et une inflation plus élevés, ce qui pourrait peser sur leur capacité financière et leur pouvoir d’achat.

Stéfane Marion, économiste et stratège en chef de la Financière Banque Nationale

Advenant une récession, le Canada aurait besoin de baisser ses taux pour stimuler l’économie, illustre M. Ouellette.

De plus, le spécialiste explique que la faiblesse de la devise peut comporter un avantage substantiel pour les entreprises d’ici : « Si une entreprise exportatrice a des clients en Europe, eh bien, en ce moment, ils sont très contents d’acheter au Canada parce qu’ils payent beaucoup moins cher », souligne-t-il.

Avantages

D’un autre côté, un tel accord permettrait une plus grande stabilité dans nos échanges commerciaux avec les États-Unis.

Quand on est une PME québécoise et qu’on veut exporter, par exemple, aux États-Unis, on va faire un contrat sur le taux de change. On va essayer de voir : est-ce qu’on ferait mieux de vendre maintenant ou d’attendre un mois pour voir comment va évoluer le taux de change ? Toute cette incertitude, il n’y en aurait plus.

Miguel Ouellette, directeur et économiste en services-conseils au sein du cabinet comptable Mallette 

En même temps, la structure industrielle du Canada est plus cyclique que celle des États-Unis, souligne M. Marion. L’utilisation du dollar américain signifierait donc, à son avis, la perte d’un outil essentiel de stabilisation économique.

Par exemple, quand l’économie canadienne va moins bien que l’américaine, le huard a tendance à se déprécier, ce qui rend les produits canadiens plus concurrentiels et aide ainsi à la relance de la production. À l’inverse, quand l’économie tourne à plein régime au pays et que c’est tranquille chez nos voisins du Sud, le dollar canadien tend à s’apprécier par rapport au billet vert, ce qui nuit au caractère concurrentiel de nos produits.

Par le passé, d’autres pays d’Amérique ont adopté le billet vert. C’est le cas, notamment, du Panamá et de l’Argentine, qui ont récemment connu des périodes élevées d’inflation. L’adoption du dollar américain peut aider à la freiner, fait valoir M. Ouellette.





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