Voici une liste pour se mettre en appétit. C’est celle des joueurs anglais qui auraient pu participer à l’Euro U21 qui vient de s’achever en Slovaquie, mais que le sélectionneur Lee Carsley ne jugea pas bon retenir dans son groupe (*).
- Rico Lewis (Man City)
- Noni Madueke (Chelsea)
- Nico O’Reilly (Man City)
- Cole Palmer (Chelsea)
- Levi Colwill (Chelsea)
- Myles Lewis-Skelly (Arsenal)
- Jude Bellingham (Real Madrid)
- Morgan Rogers (Aston VIlla)
- Kobbie Mainoo (Manchester United)
- Adam Wharton (Crystal Palace)
- Lewis Hall (Newcastle)
- Jarrad Branthwaite (Everton)
- Liam Delap (Chelsea)
Seule l’Italie a accompli ce triplé auparavant, entre 1992 et 1996, forte du noyau de joueurs qui atteignit ensuite la finale de l’Euro 2000 et remporterait la Coupe du Monde six ans plus tard – la génération des Buffon, Totti, Nesta et autres Cannavaro.
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Video credit: Eurosport
Chute drastique du temps de jeu
Bon signe ? Ô combien. Car cette suprématie en U21 ne constitue pas un accident heureux, un parfait alignement des planètes qui, avec un coup de pouce de Lady Luck, aurait permis aux jeunes Anglais de réussir un hold-up inespéré. Elle est dans la droite ligne des résultats de sélections de jeunes qui, lors de ces huit dernières années, ont remporté six titres majeurs: un championnat d’Europe U17 (2018), deux Euros U19 (2017, 2022), une coupe du monde U20 (2017) et, donc, désormais, deux Euros U21.
Le paradoxe est ce que ces succès répétés ont été enregistrés alors que le temps de jeu des footballeurs sélectionnables par l’Angleterre n’a cessé de décroître en Premier League. En 1992-93, la première saison de la nouvelle compétition, ces joueurs avaient disputé 68,8% du temps de jeu total; en 2024-25: 29,5%.
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Cole Palmer (Chelsea)
Crédit: Getty Images
L’un d’entre eux, souvent passé sous silence – parce que le mythe des joueurs anglais “incapables de s’imposer à l’étranger” a la peau dure, en dépit de multiples preuves du contraire – est que les jeunes du cru n’hésitent plus à s’expatrier, et le font souvent avec bonheur. C’était le cas de quatre des membres du squad de Carsley en Slovaquie; et de sept (un record) des seniors convoqués par Thomas Tuchel pour le match de qualification pour le Mondial de 2026 ce 7 juin (**).
Prêts plus tôt
De ce point de vue, on suivra de près ce qu’il va advenir de Harvey Elliott, élu ‘joueur du tournoi” de l’Euro U21, qui a déjà disputé 147 matches pour Liverpool, mais pour qui prétendre à une place de titulaire avec Arne Slot ne sera pas simplifié par l’arrivée de Florian Wirtz. Si l’envie d’augmenter son temps de jeu le prenait, ce ne seraient pas les candidats qui manqueraient pour le lui donner, y compris à l’étranger. L’internationalisation marche dans les deux sens.
Un autre est que les managers des plus grands clubs anglais semblent bien moins hésitants aujourd’hui à lancer les produits de leurs académies dans le grand bain qu’ils l’étaient autrefois, et de bonne heure. L’an passé, Pep Guardiola n’a eu aucun état d’âme pour titulariser Rico Lewis, Nico O’Reilly et James McAtee, pas plus que Mikel Arteta, encore plus spectaculairement, en est venu à faire confiance à Ethan Nwaneri et à se reposer sur Myles Lewis-Skelly, comme Enzo Maresca sur Cole Palmer.
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Ethan Nwaneri
Crédit: Getty Images
Si ces clubs le font, c’est pour une raison toute bête: ces jeunes sont meilleurs que leurs prédecesseurs, techniquement, tactiquement et physiquement. Ils sont prêts plus tôt. Et certes, ils sont bien obligés de l’être pour faire échec à la concurrence venue de l’étranger; mais c’est aussi que la Premier League, la English Football League et la FA ont fait en sorte qu’ils puissent le devenir, en mettant en place en 2012 un Elite Player Performance Plan (EPPP) qui s’était en partie inspiré de l’exemple français, avec le centre national de St George dans le rôle de Clairefontaine. Quelques clubs avaient râlé au départ. On ne les entend plus. C’est que les fruits de cette initiative ne font plus de doute pour personne.
Aubaine financière, aussi
Le choix des sélectionneurs est peut-être réduit, mais de la même façon que la carte d’un grand restaurant est plus courte que le choix offert par le rayon ‘traiteur’ d’un supermarché; les grands clubs anglais ont largement les moyens de régler l’addition – et de se régaler.
Un autre avantage est que sur le plan financier, justement, un joueur issu de son académie vaut encore plus que son pesant d’or, ne serait-ce que l’intégralité de son indemnité de transfert peut être incluse dans la colonne “profit” s’il est vendu à un tiers, ce qui explique, par exemple, pourquoi Conor Gallagher fut cédé à l’Atletico pour 42m€, une manne pour un club en délicatesse avec les réglementations du fair-play financier de l’UEFA comme de la Premier League.
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Conor Gallagher
Crédit: Getty Images
Il faut aussi remarquer que le temps de jeu des “sélectionnables” s’est stabilisé aux alentours de 30%, et qu’il fut d’ailleurs supérieur la saison passée à celui qu’on avait enregistré en 2015-16 (29%) et 2018-19 (28,5%). Une forme d’équilibre semble avoir été atteinte.
Reste maintenant à accomplir le plus difficile, à savoir la transition de ces jeunes champions d’Europe vers la sélection seniors, qui court toujours après un premier titre international depuis 1966. D’autres pays ont su la faire, comme l’Italie de la génération 1996, l’Espagne ou encore la France. L’Angleterre, elle, s’est rapprochée de son but mais continue de buter sur une porte close. Ses jeunes ont su ouvrir celle-ci six fois en huit ans. Elle finira bien par céder et, ce jour-là, personne ne parlera plus d’un ‘paradoxe’ anglais qui n’existe que dans les craintes de quelques-uns.
(*) De ces douze joueurs, tous nés après le 1er janvier 2022 et donc sélectionnables pour l’Euro U21, seul Adam Wharton, victime d’une commotion cérébrale lors de la finale victorieuse de FA Cup de Crystal Palace contre Manchester City, était indisponible pour des raisons médicales.
(**) Pour les U21, Brooke Norton-Cuffy (Genoa), Charlie Cresswell (Toulouse), C.J. Egan-Riley et Jonathan Rowe (Marseille). Chez les seniors, Kyle Walker (Milan), Trent Alexander-Arnold et Jude Bellingham (Real Madrid), Harry Kane (Bayern Munich), Ivan Toney (Al Ahly), Jordan Henderson (Ajax) et Conor Gallagher (Atlético de Madrid).