C’est un tout petit prix qui n’est pas passé inaperçu. Lidl a proposé ces derniers jours une promotion sur des bouteilles de vin AOC, qui affichait un prix imbattable de… 1,39 euro. La promotion (de 30 %) était valable sur la deuxième bouteille achetée de bordeaux rouge Croix de Ceyssac, une de ses marques de distributeur.
Elle a provoqué la grogne des viticulteurs de la région, qui traversent une crise importante. Toutes les organisations syndicales (FNSEA, Jeunes agriculteurs, Coordination rurale, Confédération agricole, Collectif Viti 33, AOP des bordeaux et bordeaux supérieur) ont manifesté samedi devant plusieurs magasins de l’enseigne. « Stop aux prix indécents », « vos promos, notre tombeau », « Lidl : 1er prix du sabotage de filière », pouvait-on lire sur leurs banderoles.
Une vente à perte
L’intersyndicale dénonce dans un communiqué un « Viti-Score négatif » : « Le prix d’achat au viticulteur n’est pas rémunérateur, il ne couvre même pas les coûts de production (main-d’œuvre, matériel, intrants, charges fixes, etc.) » Le Viti-Score est un indicateur économique conçu pour évaluer la rémunération réelle du viticulteur en fonction du prix auquel son vin est acheté par la distribution ou les négociants. Or, avec un vin vendu à 1,39 euro, « le viticulteur vend à perte ». « Déjà à 1,99 euro, les viticulteurs ne vivent pas de leur métier et sont obligés d’arracher des vignes. Donc quand on rajoute -30 % pour arriver à 1,39 euro, c’est du mépris et de la provocation », dénonce auprès de la radio ici Gironde Serge Bergeon, viticulteur et secrétaire général de la FNSEA 33.
L’opération passe d’autant moins que la filière viticole fait face à de grosses difficultés économiques, en lien avec la baisse de la consommation de vin. La succession d’aléas climatiques complique aussi la production. Mi-mai, un viticulteur s’est suicidé en Gironde.
Des conflits fréquents
Ce nouveau conflit est révélateur des tensions persistantes entre la filière agricole et la grande distribution. Ce n’est en effet pas la première fois que Lidl recourt à des promotions jugées « indécentes » par les agriculteurs. En novembre 2024, cette même bouteille avait déjà été affichée au même prix. Les viticulteurs avaient alors déjà manifesté leur mécontentement, à l’appel de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, dans plusieurs magasins de l’enseigne dans le Vaucluse et le Gard. L’enseigne s’était alors défendue : « Ce prix est positionné par rapport au marché […] Nous ne négocions pas les vins que nous achetons : nous acceptons des offres pour dégager des volumes. »
Stéphane Gabard, le président des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur pointe aussi auprès de Vitisphère une offre entre le 22 et le 28 mai sur un bordeaux rosé Croix de Ceyssac, affiché au prix de 1,19 euro pour les titulaires de la carte de fidélité Lidl Plus.
Et ce n’est pas la seule enseigne à poser problème. L’enseigne Aldi commercialise aussi des vins à moins de deux euros. « Un produit à 1,99 euro, un bordeaux ou un côtes-du-rhône, pour moi c’est encore rémunérateur, on respecte le viticulteur », avait déclaré à Vitisphère Roger Anthony, l’acheteur bières, vins et spiritueux d’Aldi. Des propos qui avaient attisé la colère de la profession, qui ont mené mi-juin plusieurs actions devant des magasins de la marque discount.
Ces derniers jours, Lidl et Leclerc ont aussi été interpellés par la FNSEA et les Jeunes agriculteurs pour leurs briques de lait à moins d’un euro. « Ces prix cassés, c’est moins de revenu pour les éleveurs. C’est une menace directe pour l’avenir de la filière laitière », dénonce la FNSEA Centre-Val de Loire sur Facebook.