La politique économique américaine imprévisible a mis un terme brutal à la surévaluation du dollar.Image: keystone
Investir dans des monnaies étrangères lorsque l’on vit et calcule en francs suisses? En règle générale, vous y perdrez des plumes, du moins sur le long terme. On observe néanmoins sur les six dernier mois un risque lié au taux de change plus élevé que de coutume.
04.07.2025, 05:3904.07.2025, 05:39
Daniel Zulauf, Vesa Llapaj / ch media
«Pourquoi chercher si loin quand le bien est si proche»
Johann Wolfgang von Goethe
Les investisseurs connaissent certainement cette citation de Goethe. Et ils feraient bien de suivre ses instructions en matière de comportements prometteurs. Certaines de ses sagesses se heurtent néanmoins rapidement à la réalité des marchés financiers.
Cette année, investir dans des actions étrangères – et surtout américaines – n’a pas été une très bonne idée. Depuis début janvier, le dollar a perdu plus de 12% par rapport au franc et il vient de passer sous la barre des 80 centimes pour la première fois en près de quinze ans.
D’un point de vue helvétique, le taux de change peut transformer des rendements d’actions positifs à l’étranger en pertes significatives lorsqu’il faut les convertir en francs. Ce risque a donc constitué cette année une bonne raison en Suisse de réfléchir à deux fois avant de miser sur l’étranger.
On observe certes un effet négatif exceptionnel des taux de change sur la performance des actions américaines au cours du dernier semestre. Mais les financiers suisses qui investissent hors des frontières doivent en fait toujours composer avec ce paramètre.
En 1973, au moment de l’éclatement du système monétaire mondial de Bretton Woods, on a alors abandonné les monnaies des principaux pays industrialisés de l’époque au jeu de l’offre et de la demande sur les marchés des devises. Un dollar valait encore près de 4 francs.
Dollar surévalué
La dépréciation du dollar, le fameux «billet vert», est systématique et liée au fait que les taux d’inflation dépassent les valeurs helvétiques depuis de nombreuses décennies. Le phénomène est réapparu avec plus de force depuis le dernier renchérissement global provoqué par le Covid-19.
Au début de l’année, un Big Mac coûtait l’équivalent de 7,99 dollars en Suisse, mais seulement 5,79 dollars aux États-Unis. Avec un dollar, les Américains pouvaient donc s’offrir plus de Big Mac que les Suisses avec la même quantité d’argent. Dans le jargon, le dollar était surévalué par rapport au franc. La prochaine publication de l’indice Big Mac en juillet montrera un alignement des prix en raison du crash du dollar.
La théorie économique suppose que les différents niveaux de prix internationaux de biens échangeables doivent s’égaliser par le biais du taux de change. Ce concept s’appelle la parité du pouvoir d’achat. Le Big Mac Index de l’hebdomadaire britannique The Economist illustre bien cet effet de manière ludique, quoique pas de manière tout à fait exacte.
Mais les taux de change n’évoluent presque jamais pile au point d’équilibre tel qu’on le calcule avec l’instrument de la parité de pouvoirs d’achat. Sur les marchés des devises, les cours s’emballent à la hausse et peut-être aujourd’hui aussi à la baisse.
Anastassios Frangulidis, économiste en chef de la banque privée genevoise Pictet, constate que le coup de massue douanier de Donald Trump du 2 avril a également impacté la devise américaine. Le dollar s’est certes redressé une semaine plus tard, lorsque le président a quelque peu atténué, temporairement du moins, ses annonces fracassantes.
Mais le billet vert n’a pas retrouvé sa force d’antan:
«Le scepticisme à l’égard du dollar a manifestement grandi. Une certaine perte de confiance s’est amorcée».
Anastassios Frangulidis, économiste.
Spéculation peu rentable sur les devises
Cette évolution peut se poursuivre, d’autant plus que la politique d’endettement américaine a entre-temps jeté le doute sur la solvabilité de l’Etat. Les Etats-Unis font toujours partie du club exclusif des pays dont la dette est très bien notée. Mais la rétrogradation de la classe de solvabilité la plus élevée a eu pour conséquence que les investisseurs, surtout étrangers, exigent désormais un taux d’intérêt plus élevé (prime de risque) sur les titres de créance américains.
Une obligation du Trésor américain d’une durée de dix ans rapporte actuellement près de 4,3%. Un emprunt fédéral suisse comparable n’a qu’un rendement de 0,41%. A première vue, investir dans des obligations américaines semble donc évident. Mais Erwin Heri est armé pour répondre à de telles questions, tant sur le plan théorique que pratique. Voici les explications de ce professeur de l’université de Bâle, par ailleurs ancien directeur des investissements de la Winterthur Assurances et partenaire du portail d’éducation financière Fintool:
«L’achat d’une obligation étrangère revient avant tout à spéculer sur les devises».
Il estime que les investisseurs suisses ont plus à perdre qu’à gagner à long terme, même sur les marchés d’actions étrangers. Erwin Heri a spectaculairement raison pour cette année, et il ne s’en étonne pas. Il y a exactement deux ans, il expliquait très clairement sur Fintool, «pourquoi le dollar et l’euro vont tomber à 80 centimes». Raison invoquée: le recul de l’inflation en Suisse. Un beau compliment à la Banque nationale, qui vient de fêter le 175e anniversaire du franc.
Un récente sondage de la Banque Migros révèle que de nombreux Helvètes hésitent à retirer l’argent de leur compte d’épargne pour l’investir en bourse. Cela s’explique entre autres par le fait que, depuis des décennies, l’épargne en banque ne perd pratiquement pas de valeur, même avec un taux d’intérêt bas. Et ce, soit dit en passant, avec un risque relativement faible.
Les actions s’avèrent toutefois plus rémunératrice sur le long terme. Les sondés par la Banque Migros le savent aussi et affichent leur volonté d’investir davantage de cette façon pour booster le rendement. Reste la question du timing. Monsieur et Madame Tout-le-Monde sont peut-être notoirement prudents en la matière. Mais, à l’heure actuelle, cela semble plutôt judicieux.
Traduit et adapté par Valentine Zenker
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