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Un système monétaire façonné par la domination du dollar
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le dollar américain s’est imposé comme la pierre angulaire du système financier international, un statut renforcé par des décennies de puissance économique, d’influence géopolitique et de domination des marchés financiers. Aujourd’hui, cette prééminence reste largement incontestée, même si elle est de plus en plus remise en cause par des initiatives menées par la Chine, la Russie et d’autres économies émergentes.
L’hégémonie du dollar trouve son origine dans les accords de Bretton Woods, signés en 1944 par 44 nations, visant à stabiliser l’économie mondiale après la guerre. Ces accords ont établi un système de taux de change fixes, où les monnaies nationales étaient rattachées au dollar, lui-même convertible en or à un taux fixe de 35 dollars l’once. Ce système a consacré le billet vert comme la référence absolue des échanges internationaux, garantissant ainsi aux États-Unis une influence sans précédent sur la finance mondiale.
Cette domination s’est accentuée après 1971, lorsque les États-Unis, sous la présidence de Richard Nixon, ont décidé de mettre fin à la convertibilité du dollar en or. Ce que l’on appelle le « Nixon Shock » a transformé le dollar en une monnaie purement fiduciaire, dont la valeur repose désormais sur la confiance et la puissance économique américaine. Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer, ce changement n’a pas affaibli la position du dollar. Au contraire, il a renforcé son rôle, les États-Unis devenant les garants de la stabilité financière mondiale, imposant leur monnaie comme l’instrument clé des transactions et des réserves internationales.
Le statut du dollar repose sur plusieurs piliers qui lui confèrent une force inégalée. D’abord, la taille et la stabilité de l’économie américaine lui assurent un attrait universel. Les États-Unis disposent d’un marché profond, liquide et dynamique, qui attire les investisseurs du monde entier. Ensuite, la puissance du système financier américain garantit une liquidité inégalée. Les obligations du Trésor américain sont considérées comme les actifs les plus sûrs du monde, servant de refuge en période de crise.
Le dollar bénéficie également d’un effet d’inertie : la plupart des contrats internationaux sont libellés en dollars, et il est utilisé pour facturer et régler les transactions sur les marchés de l’énergie, des matières premières et du commerce international. Environ 88 % des transactions de change impliquent encore le dollar, selon les dernières données de la Banque des règlements internationaux (BRI). Cette situation confère aux États-Unis un privilège exorbitant, leur permettant d’émettre de la dette dans leur propre monnaie sans craindre une crise de balance des paiements.
Un autre élément fondamental du pouvoir du dollar est son rôle dans le système bancaire international. La majorité des banques mondiales dépendent du réseau de paiements SWIFT, largement contrôlé par les États-Unis, pour exécuter leurs transactions. Le statut du dollar comme monnaie dominante permet aux autorités américaines de sanctionner des États ou des entreprises en coupant leur accès au système financier mondial. C’est cette capacité qui a été utilisée contre des pays comme l’Iran, la Russie ou le Venezuela, renforçant ainsi l’idée que la domination du dollar est un outil stratégique autant qu’un levier économique.
Si cette suprématie confère des avantages considérables aux États-Unis, elle entraîne également des critiques et des résistances croissantes. Pour de nombreux pays, la dépendance au dollar signifie une vulnérabilité face aux fluctuations monétaires américaines et aux décisions de la Réserve fédérale. Lorsque celle-ci relève ses taux d’intérêt, les devises émergentes se déprécient, rendant le remboursement de la dette plus difficile et provoquant des crises financières dans plusieurs régions du monde.
La domination du dollar a ainsi des implications géopolitiques majeures. En imposant leur monnaie comme standard, les États-Unis contrôlent une partie du commerce mondial, ce qui leur permet d’imposer des politiques économiques aux autres nations. Cette réalité a poussé certaines puissances, notamment la Chine et la Russie, à chercher des alternatives et à réduire leur exposition au billet vert.
Ce contexte explique pourquoi, au cours des dernières décennies, plusieurs initiatives ont émergé pour contester la suprématie du dollar et développer de nouveaux systèmes monétaires indépendants. Ces efforts s’inscrivent dans une dynamique plus large de remise en cause de l’ordre économique établi après la Seconde Guerre mondiale, marqué par une volonté croissante des économies émergentes de s’affranchir de l’influence occidentale.
Le dollar reste la monnaie dominante, mais il est désormais de plus en plus contesté. Son avenir dépendra de la capacité des États-Unis à maintenir leur crédibilité économique et financière, mais aussi de la réussite ou de l’échec des tentatives menées par les puissances rivales pour construire un système alternatif.
Les puissances émergentes en quête d’indépendance monétaire
Depuis plusieurs décennies, le dollar américain domine l’économie mondiale, servant de monnaie de référence pour le commerce, les réserves de change et les transactions financières. Cependant, cette suprématie est de plus en plus contestée par des puissances émergentes qui cherchent à se libérer de leur dépendance au billet vert.
Les raisons de cette remise en question sont multiples. D’un côté, les économies émergentes comme la Chine, la Russie et les BRICS considèrent que la domination du dollar leur impose des contraintes économiques et stratégiques, notamment en raison des fluctuations des taux de change et des décisions de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine. De l’autre, les États-Unis utilisent leur monnaie comme un levier géopolitique, imposant des sanctions économiques qui pénalisent certains États et les incitent à trouver des alternatives monétaires.
Face à cette situation, plusieurs pays ont adopté des stratégies de dé-dollarisation, visant à réduire progressivement l’usage du dollar dans leurs échanges commerciaux et leurs réserves de change.
La Chine et l’internationalisation du yuan
Parmi les acteurs les plus actifs dans cette dynamique, la Chine occupe une place centrale. Depuis plusieurs années, Pékin cherche à promouvoir le yuan comme alternative au dollar, avec l’ambition de faire de sa monnaie une devise de référence mondiale.
L’un des premiers leviers utilisés par la Chine a été l’augmentation des transactions commerciales en yuans, notamment avec ses partenaires asiatiques et africains. En encourageant ses entreprises et ses banques à utiliser sa monnaie nationale dans leurs échanges, Pékin réduit son exposition au dollar et impose progressivement le renminbi comme une monnaie d’échange crédible.
La Chine a également mis en place des accords bilatéraux de swap de devises, qui permettent aux pays partenaires d’échanger directement en yuans sans passer par le dollar. Actuellement, plus de 30 pays ont signé ce type d’accord avec la Chine, facilitant des transactions en monnaies locales et contournant ainsi le système financier dominé par les États-Unis.
Un autre élément clé de cette stratégie est la mise en place du CIPS (Cross-Border Interbank Payment System), un réseau de paiements transfrontaliers conçu pour rivaliser avec SWIFT, qui est largement contrôlé par les institutions occidentales. Ce système permet aux banques chinoises de traiter des transactions directement en yuans, sans passer par des banques américaines, offrant ainsi une alternative aux pays cherchant à se protéger des sanctions économiques.
Enfin, la Chine a renforcé son influence sur le marché des matières premières en incitant les producteurs de pétrole et de gaz à accepter le paiement en yuans. Le pétro-yuan, qui permet d’acheter du pétrole en monnaie chinoise, est désormais utilisé dans les transactions entre Pékin et des pays comme la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite.
Toutefois, malgré ces avancées, le yuan reste encore loin de rivaliser avec le dollar. La monnaie chinoise souffre d’un manque de convertibilité, et Pékin contrôle strictement son taux de change, ce qui freine son adoption comme monnaie de réserve mondiale.
La Russie et la rupture avec le dollar
Si la Chine cherche à imposer progressivement le yuan, la Russie, elle, a été contrainte d’accélérer sa dé-dollarisation après les sanctions occidentales liées à l’annexion de la Crimée en 2014 et à l’invasion de l’Ukraine en 2022.
Avant ces événements, la Russie était fortement dépendante du système financier américain, avec plus de 80 % de ses exportations énergétiques libellées en dollars. Mais face aux restrictions économiques imposées par Washington, Moscou a adopté une stratégie agressive de réduction du dollar dans son économie.
L’un des premiers axes de cette politique a été la diminution des réserves de change en dollars. La Banque centrale russe a massivement réduit sa détention d’actifs libellés en dollars au profit de l’or, du yuan et de l’euro. Aujourd’hui, le yuan représente plus de 17 % des réserves de change russes, contre moins de 1 % il y a dix ans.
Par ailleurs, la Russie a multiplié les accords commerciaux en monnaies locales avec ses principaux partenaires économiques. Les exportations de gaz et de pétrole vers la Chine se font désormais essentiellement en roubles et en yuans, permettant à Moscou d’éviter l’usage du dollar et de contourner les sanctions occidentales.
L’intégration progressive de la Russie dans les initiatives monétaires chinoises, notamment via le CIPS et les paiements en yuans, montre à quel point Moscou cherche à s’affranchir du système financier dominé par les États-Unis. Cette coopération sino-russe est une menace pour la domination du dollar, car elle met en place des mécanismes alternatifs qui pourraient, à terme, être utilisés par d’autres pays cherchant à réduire leur dépendance au billet vert.
Le rôle des BRICS dans la diversification monétaire
Au-delà des initiatives chinoises et russes, d’autres économies émergentes, regroupées sous l’acronyme BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), participent activement à cette remise en question du dollar.
Ces pays ont augmenté les échanges en monnaies locales, favorisant les paiements en roupies, yuans, roubles et reals pour leurs transactions commerciales. L’Inde, par exemple, a signé des accords avec la Russie pour payer ses importations de pétrole en roupies plutôt qu’en dollars.
Les BRICS ont également lancé la Nouvelle Banque de Développement (NDB), une institution financière créée pour financer des projets d’infrastructure dans les pays en développement sans passer par les prêts libellés en dollars du FMI ou de la Banque mondiale.
Une autre initiative en discussion est la création d’une monnaie commune des BRICS, qui pourrait servir aux échanges entre ces nations et réduire leur exposition aux fluctuations du dollar. Si ce projet se concrétise, il pourrait être un tournant majeur dans la recomposition monétaire mondiale.
Les défis de la dé-dollarisation
Malgré ces efforts, la transition vers un système multipolaire sans domination du dollar reste un processus complexe et incertain.
Tout d’abord, le dollar bénéficie encore d’une position privilégiée, avec des marchés financiers liquides et une confiance élevée des investisseurs. Contrairement au yuan ou au rouble, le billet vert est facilement convertible et ne subit pas de restrictions gouvernementales, ce qui le rend incontournable pour les transactions de grande ampleur.
Ensuite, les économies émergentes peinent à s’accorder sur une alternative unique. Si la Chine veut imposer le yuan, l’Inde et le Brésil restent réticents à placer leur économie sous l’influence de Pékin.
Enfin, les infrastructures financières alternatives (CIPS, banques des BRICS) restent encore moins développées que leurs équivalents occidentaux, ce qui limite leur adoption.
Même si la dé-dollarisation est en marche, elle prendra du temps. Le dollar restera probablement la monnaie dominante dans les prochaines décennies, mais son influence pourrait s’éroder progressivement, à mesure que les alternatives se renforcent.
Les limites de la dé-dollarisation
Malgré les initiatives ambitieuses menées par la Chine, la Russie et les BRICS pour réduire la dépendance au dollar, la transition vers un système monétaire véritablement multipolaire se heurte à de nombreux obstacles. Si la part du billet vert dans les réserves mondiales et les transactions financières a légèrement reculé ces dernières années, il reste la monnaie dominante, et ce pour plusieurs raisons structurelles, économiques et institutionnelles.
L’idée d’une dé-dollarisation complète, où le yuan, l’euro ou une nouvelle monnaie des BRICS viendrait supplanter le dollar, est encore une hypothèse lointaine. Plusieurs facteurs expliquent pourquoi la suprématie du dollar est difficile à détrôner, malgré les efforts des puissances émergentes pour construire un ordre monétaire alternatif.
Le manque de confiance dans les alternatives
L’un des principaux obstacles à la dé-dollarisation est le manque de confiance dans les monnaies alternatives.
Le dollar américain bénéficie depuis des décennies d’une réputation de stabilité et de liquidité qui le rend incontournable pour les transactions financières internationales. À l’inverse, le yuan, bien que de plus en plus utilisé dans le commerce, reste une monnaie sous contrôle strict du gouvernement chinois.
Contrairement au dollar, qui est librement convertible et échangé sur des marchés ouverts, le yuan est encore fortement régulé par la Banque populaire de Chine, qui limite sa fluctuation pour éviter une volatilité excessive. Cette politique dissuade de nombreux investisseurs étrangers de le considérer comme une véritable alternative.
Les autres monnaies comme le rouble, la roupie indienne ou le real brésilien souffrent de problèmes similaires. Elles sont moins liquides, plus sujettes aux fluctuations économiques et n’ont pas la même profondeur de marché que le dollar.
Même l’euro, qui pourrait théoriquement rivaliser avec le dollar, peine à s’imposer comme une monnaie refuge universelle. Bien que représentant environ 20 % des réserves mondiales, la devise européenne est affaiblie par les divisions internes de la zone euro, l’absence d’une politique budgétaire unifiée et une volatilité accrue lors des crises financières.
La domination du dollar dans les marchés financiers
Un autre frein majeur à la dé-dollarisation est la prépondérance du dollar dans les marchés financiers mondiaux.
Aujourd’hui, plus de 60 % des dettes émises par des gouvernements et des entreprises à travers le monde sont libellées en dollars. Les obligations du Trésor américain sont considérées comme les actifs les plus sûrs du monde, et elles servent de référence pour le calcul des taux d’intérêt dans de nombreuses économies.
Les investisseurs internationaux continuent d’acheter massivement des actifs en dollars, car ils offrent une sécurité incomparable en période de crise. À chaque fois qu’un choc économique mondial survient, comme lors de la crise financière de 2008 ou de la pandémie de 2020, les capitaux se réfugient vers le dollar, renforçant ainsi son rôle de monnaie dominante.
Aucune autre monnaie ne dispose encore d’une profondeur de marché équivalente. Même si la Chine tente de développer son propre marché obligataire, les restrictions sur les mouvements de capitaux et la mainmise du gouvernement sur son économie empêchent la libre circulation du yuan, ce qui limite son adoption comme actif de réserve international.
Le rôle du système bancaire et des infrastructures financières
Au-delà de sa présence dans les échanges commerciaux et les marchés financiers, le dollar bénéficie d’un ancrage institutionnel très fort grâce aux infrastructures bancaires mondiales qui reposent sur lui.
Le réseau SWIFT, utilisé pour la majorité des paiements internationaux, est largement contrôlé par les États-Unis et ses alliés. Bien que des alternatives comme le CIPS chinois ou le SPFS russe existent, elles restent moins développées et adoptées par un nombre limité de pays.
Les grandes banques mondiales, qu’elles soient européennes, asiatiques ou américaines, traitent majoritairement en dollars, car c’est la monnaie la plus liquide et la plus stable. Pour que la dé-dollarisation soit une réalité, il faudrait réformer en profondeur l’ensemble du système bancaire international, ce qui est un processus long et complexe.
L’effet réseau : un cercle difficile à briser
La domination du dollar repose également sur un effet réseau puissant.
Les entreprises, les gouvernements et les investisseurs utilisent le dollar parce que tout le monde l’utilise déjà. Cet effet d’inertie crée une barrière naturelle au changement, car basculer vers une autre monnaie nécessite de réformer des milliers de contrats financiers, de modifier les systèmes de paiement et d’établir une confiance durable dans les nouvelles alternatives.
Même si certains pays comme la Russie et la Chine ont réussi à réduire leur dépendance au dollar, cela reste un phénomène marginal par rapport à l’ensemble du système financier mondial.
Les limites de la coopération entre les pays anti-dollar
Un autre frein à la dé-dollarisation est le manque de coordination entre les pays qui veulent réduire l’usage du dollar.
La Chine, la Russie et l’Inde partagent un objectif commun : se libérer de l’influence monétaire des États-Unis. Pourtant, ces nations n’ont pas toujours des intérêts alignés, ce qui freine la mise en place d’un véritable système alternatif unifié.
- La Chine veut imposer le yuan, mais l’Inde et la Russie hésitent à dépendre d’une monnaie contrôlée par Pékin.
- Les BRICS discutent de la création d’une monnaie commune, mais les divergences économiques entre leurs membres rendent le projet difficile à concrétiser.
- L’Europe reste divisée entre son alliance avec les États-Unis et son désir de renforcer l’euro comme alternative au dollar.
Ce manque d’unité entre les puissances émergentes ralentit la transition vers un monde réellement multipolaire sur le plan monétaire.
Le dollar, encore dominant mais en transition
Même si la dé-dollarisation progresse à petits pas, le dollar conserve une avance considérable et restera probablement la monnaie dominante encore plusieurs décennies.
Cependant, des tendances indiquent qu’il pourrait progressivement perdre du terrain, à mesure que des alternatives se structurent.
L’avenir du dollar dépendra de plusieurs facteurs, notamment :
- L’évolution de la dette américaine, qui pourrait fragiliser la confiance des investisseurs.
- Les avancées technologiques et financières des puissances émergentes, qui pourraient créer des systèmes de paiement réellement alternatifs.
- Les tensions géopolitiques, qui inciteront certains blocs régionaux à privilégier leurs propres monnaies pour réduire leur dépendance aux États-Unis.
Si un jour le dollar cesse d’être hégémonique, il ne sera pas remplacé par une seule autre monnaie, mais par un système monétaire multipolaire, où plusieurs devises coexisteront avec des parts de marché plus équilibrées.
Quel avenir pour le dollar ?
Alors que nous avons exploré la domination historique du dollar et les limites des initiatives de dé-dollarisation, il est essentiel de se pencher sur l’avenir du billet vert dans un contexte mondial en pleine mutation. Le dollar, malgré les pressions croissantes et la montée en puissance de systèmes alternatifs, demeure pour l’instant le pilier sur lequel repose l’ensemble du système financier international. Néanmoins, les tendances actuelles laissent entrevoir un futur où sa domination pourrait être partagée avec d’autres monnaies, marquant l’émergence d’un système multipolaire en matière de devises de réserve.
L’avenir du dollar dépendra avant tout de la capacité des États-Unis à maintenir la confiance des investisseurs et la stabilité de leur économie. En effet, la solidité du billet vert repose sur la taille et la résilience de l’économie américaine, ainsi que sur la confiance que lui accorde le reste du monde. Tant que les États-Unis continueront à disposer d’un marché financier profond et liquide, et que leurs institutions resteront perçues comme des garantes de la sécurité financière, le dollar conservera son rôle de référence. Cependant, l’accumulation d’une dette publique toujours croissante, associée à des déficits budgétaires chroniques, pourrait remettre en question cette stabilité à long terme. Une détérioration de la crédibilité économique américaine aurait pour effet de réduire la demande mondiale pour le billet vert, en incitant les investisseurs à se tourner vers des alternatives perçues comme plus sûres ou plus stables.
Par ailleurs, le contexte géopolitique international joue un rôle déterminant dans l’avenir du dollar. Les tensions entre les États-Unis et leurs adversaires géopolitiques, notamment la Chine et la Russie, ont déjà conduit à une réorientation de certains flux commerciaux et financiers. Ces puissances émergentes, en plus de soutenir des systèmes de paiement alternatifs et de promouvoir leurs monnaies, cherchent à créer des blocs régionaux qui pourraient, à terme, réduire l’influence du dollar. Toutefois, cette transition ne se fera pas du jour au lendemain. L’effet réseau associé à la domination du dollar – l’habitude, l’inertie des systèmes de paiement, la liquidité des marchés financiers et la centralité des institutions américaines – constitue une barrière considérable pour toute tentative de dé-dollarisation.
Les initiatives de la Chine, de la Russie et des BRICS pour réduire leur dépendance au dollar sont certes encourageantes pour l’idée d’un monde multipolaire, mais elles rencontrent plusieurs obstacles. Le yuan, par exemple, reste encore étroitement contrôlé par Pékin, et sa convertibilité limitée empêche son adoption massive à l’échelle internationale. De même, le rouble russe, bien qu’ayant gagné en importance dans certaines régions, souffre de problèmes de volatilité et de la perception d’un risque élevé, notamment en raison des sanctions occidentales. Les monnaies des autres économies émergentes, quant à elles, ne disposent pas de l’infrastructure financière ni de la confiance nécessaires pour supplanter le dollar.
Il est également important de noter que le système financier mondial est construit autour du dollar. Les banques centrales, les grandes institutions financières et même les entreprises privées continuent d’utiliser le billet vert pour fixer les prix des matières premières, établir des contrats internationaux et effectuer des transactions transfrontalières. Cette structure bien établie fait du dollar un élément incontournable, qui continue de bénéficier d’un effet d’entraînement. Même dans un monde où les alternatives se développent, la transition vers un système véritablement multipolaire sera progressive. Il est possible que, dans un avenir moyen à long terme, le dollar partage sa position avec d’autres devises – le yuan, l’euro ou même une monnaie potentielle des BRICS – sans pour autant disparaître complètement.
Les scénarios futurs pour le dollar sont donc multiples. Dans un scénario optimiste pour les États-Unis, la croissance économique et l’innovation technologique pourraient permettre de renforcer la position du billet vert, notamment par le biais de réformes structurelles visant à réduire la dette publique et à améliorer la compétitivité économique. Dans ce cas, le dollar continuerait d’être la monnaie de référence, même si d’autres devises gagneraient en importance dans certaines régions du monde. D’un autre côté, si la crédibilité des États-Unis venait à être compromise par des crises économiques répétées ou par des tensions géopolitiques exacerbées, le rôle du dollar pourrait être sérieusement remis en cause. Dans ce scénario, les initiatives de dé-dollarisation gagneraient en ampleur, et un système financier multipolaire émergerait, avec plusieurs devises partageant les fonctions de réserve internationale.
Les défis auxquels les États-Unis sont confrontés ne se limitent pas aux questions économiques et financières. La capacité du dollar à servir de monnaie de référence repose également sur des considérations politiques et institutionnelles. La souveraineté monétaire américaine est soutenue par des institutions telles que la Réserve fédérale et le Département du Trésor, qui disposent d’outils puissants pour réguler la liquidité et stabiliser les marchés. Tant que ces institutions parviendront à rassurer les investisseurs et à maintenir la stabilité du système financier, le dollar gardera une longueur d’avance sur les autres devises.
De plus, la stratégie des sanctions économiques, qui repose sur l’usage du dollar, demeure un instrument de pression efficace pour les États-Unis. En contrôlant l’accès au système financier international via le dollar, Washington est capable d’imposer des mesures restrictives à des États ou à des entités qu’elle juge hostiles. Cette capacité de sanction contribue à renforcer la position du dollar, car elle crée une incertitude quant à la possibilité pour certains pays de contourner les règles du système financier mondial.
En parallèle, les innovations technologiques, telles que la montée des monnaies numériques, pourraient également influencer l’avenir du dollar. Plusieurs banques centrales, y compris celle des États-Unis, étudient la possibilité de lancer des monnaies numériques de banque centrale (CBDC). Une telle initiative, si elle est mise en œuvre avec succès, pourrait moderniser le système monétaire américain, améliorer la traçabilité des transactions et renforcer le contrôle de Washington sur le flux de capitaux internationaux. Toutefois, la mise en place d’une CBDC américaine devrait faire face à des défis importants, notamment en matière de protection de la vie privée et de gestion des risques systémiques.
Le dollar reste aujourd’hui un symbole de stabilité et de puissance, mais l’émergence d’alternatives solides et la volonté croissante de diversifier les réserves de change témoignent d’un mouvement de fond vers un ordre financier plus équilibré. La transformation de ce système ne se fera pas du jour au lendemain, car elle implique une refonte en profondeur des infrastructures financières internationales, ainsi que l’acceptation par les acteurs mondiaux d’un nouvel équilibre des pouvoirs monétaires.
Dans l’ensemble, l’avenir du dollar dépendra de l’évolution des facteurs économiques, politiques et technologiques. Les États-Unis auront tout intérêt à maintenir leur stabilité économique et à réformer certains aspects structurels de leur système financier pour éviter que le dollar ne perde son attrait. Parallèlement, la montée en puissance des monnaies alternatives, bien qu’elle ne menace pas immédiatement la domination du dollar, pourrait créer un contexte dans lequel la suprématie du billet vert sera partagée, voire contestée, par d’autres devises.
Il est envisageable que le futur système monétaire mondial soit caractérisé par une cohabitation harmonieuse de plusieurs monnaies de réserve, chacune jouant un rôle complémentaire plutôt que concurrentiel. Dans un tel scénario, le dollar continuerait d’exister, mais sa domination serait atténuée par la présence d’autres acteurs majeurs, ce qui permettrait une plus grande stabilité et une résilience accrue face aux crises financières.
En conclusion, même si le dollar demeure pour l’instant la référence absolue du système monétaire international, les signes d’un changement sont palpables. La combinaison de défis internes aux États-Unis, de pressions externes exercées par des économies émergentes et des innovations technologiques pourraient, à terme, rééquilibrer la domination mondiale des devises. Le billet vert n’est pas destiné à disparaître du jour au lendemain, mais il est certain que son avenir sera marqué par une transition progressive vers un système financier multipolaire, dans lequel plusieurs monnaies coexisteront et se compléteront pour répondre aux besoins d’un commerce international en constante évolution.
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