Le dévoilement de ce nouvel artefact a été un moment fort de la cérémonie de jeudi visant à célébrer le 25e anniversaire de l’institution muséale. Le télégraphe avait été remonté à la surface le 17 août 1975 par Ron Stopani, un plongeur de Las Vegas.
Le précieux objet a été retrouvé grâce à la famille Zeller des États-Unis, qui était venue au Musée de Rimouski porter plusieurs objets qui avaient appartenu au paternel. Les membres de la famille avaient aussi plusieurs documents qui décrivaient les plongées de leur père.
«Ils avaient plusieurs photos et diapositives de différentes plongées qui avaient été faites au fil des années à Sainte-Luce et à Pointe-au-Père, indique la directrice générale du Musée Empress of Ireland, Hélène Théberge. Parmi ces documents, il y avait une photo du plongeur Ron Stopani, qui venait de repêcher l’appareil télégraphique.
«On avait aussi une lettre écrite de la main de M. Zeller qui disait à M. Stopani comment c’était un objet important de l’Empress et qu’il devrait être bien conservé. Puis, la famille Zeller nous a dit que M. Stopani était encore vivant.»
L’équipe du Musée a alors transmis l’information à l’historien David St-Pierre, qui a fait des recherches sur plusieurs mois. «Un jour, il reçoit un appel de M. Stopani, qui lui dit qu’il serait intéressé à laisser l’objet au Musée Empress of Ireland», s’enthousiasme encore Mme Théberge.
Le télégraphe
Le télégraphe a été retiré de l’épave il y a donc 50 ans. L’objet a subi bien peu de détérioration, en dépit du fait qu’il ait été enfoui dans les profondeurs du fleuve pendant 61 ans.
«Ce qui est exceptionnel, c’est que c’est cet appareil qui a reçu le dernier message avant la perte de courant et qui disait que l’Eureka et le Lady Evelyn étaient en route pour venir secourir les naufragés», a souligné la muséologue Roxanne Julien-Friolet.
L’artefact sera restauré pour être ensuite exposé au Musée. Le plongeur Ron Stopani, aujourd’hui âgé de 81 ans, a fait savoir à l’équipe du Musée qu’il possédait plusieurs autres artefacts de l’Empress et qu’il leur en ferait éventuellement don.
25e anniversaire
Des pionniers de l’histoire du Musée Empress of Ireland ont fait un retour dans le temps lors d’un cocktail qui, jeudi, a réuni plusieurs invités au Hangar 14, situé sur le Site historique maritime de la Pointe-au-Père.
Le maître de cérémonie était Albéric Gallant, qui a incarné le personnage du capitaine de l’Empress of Ireland, Henry George Kendall, pendant une dizaine d’années au Musée.

Débuts modestes
Le premier invité a été Donald Tremblay, membre fondateur de l’organisme. D’une mémoire exceptionnelle, ce précurseur a raconté les débuts du projet, alors que l’épave de l’Empress of Ireland reposait au fond du Saint-Laurent depuis plus de 50 ans et que personne ne pouvait précisément la localiser.
À l’aube des années 1980, alors que l’épave est découverte vis-à-vis la municipalité de Sainte-Luce, des plongeurs remontent à la surface des objets rattachés au navire.
«Il fallait trouver une place pour ces objets, a continué M. Tremblay. Dans ma tête, la meilleure place était ici [le Site historique maritime de la Pointe-au-Père] parce que c’est un lieu maritime. C’était la première station de pilotage au Canada.»
Pendant 32 ans à la barre
L’ancien directeur général du Musée, Serge Guay, se souvient encore du concept entourant le projet de musée proposé par Donald Tremblay.
«Il est arrivé avec une maquette. Il voulait faire un simulateur de naufrage. Son idée était d’embarquer 14 personnes dans une espèce de conteneur, une copie d’une cabine de passager de l’Empress.
«Tout ça se mettait à basculer pendant 14 minutes. On est parti avec cette idée-là et c’est comme ça qu’on a développé le premier projet.»
M. Guay et son équipage ont travaillé fort pour trouver un concept qui serait à la fois novateur et qui sortirait de l’ordinaire. «On savait que l’histoire de l’Empress touchait les gens», a mentionné celui qui a été à la barre de l’établissement pendant 32 ans.
Dans les environs de 1995, l’équipe commande une analyse, à l’issue de laquelle les consultants proposent une projection en 3D visant à faire revivre le dernier voyage du navire transatlantique, de son départ de Québec à sa funeste fin au large de Sainte-Luce, sans toutefois faire vivre le drame.
«C’est avec ce projet qu’on a réussi à trouver le financement et que le Musée a pu être réalisé avec, comme principales attractions, le spectacle en 3D et la salle d’exposition», a-t-il rappelé. Comme l’achalandage ne cessait d’augmenter, le Musée a été agrandi en 2017.
L’architecte et le principal donateur
Le design architectural qui, avec ses cheminées penchées, évoque l’image du paquebot en train de couleur, a fait beaucoup jaser dans les débuts de la construction du Musée. L’architecte Richard Goulet avoue qu’il s’agit du projet dont il est le plus fier.
Outre l’exposition, le projet avait coûté 700 000 $ à l’époque. «Aujourd’hui, ce serait trois fois plus», estime l’architecte de Québec.

La tragédie
L’Empress of Ireland largue les amarres du port de Québec avec 1477 personnes à son bord dans l’après-midi du 28 mai 1914. Henry George Kendall est le capitaine du navire anglais. Celui-ci effectue sa 192e traversée de l’Atlantique.
Vers 1 h 20, le navire s’arrête à la hauteur de Pointe-au-Père pour laisser descendre le pilote Adélard Bernier et pour décharger des sacs de courrier.
Une vingtaine de minutes après, on informe le capitaine de la présence d’un navire remontant le fleuve. Sous une brume opaque, l’Empress of Ireland est éventré par le charbonnier norvégien Storstad. Il est 1 h 55. Le bateau à vapeur ne prend que 14 minutes avant d’être englouti dans 42 mètres de profondeur, à 4,5 milles nautiques de Sainte-Luce.
Les premiers secours arrivent une heure et quart après le SOS lancé par le télégraphiste. Aidés de l’équipage du Storstad, ils repêchent 465 survivants. La tragédie fait 1012 morts.